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Le Premier ministre dresse les contours du système universel de retraite

Social - Protection sociale
12/12/2019
Edouard Philippe a présenté, le 11 décembre au Conseil économique, social et environnemental (Cese), l’architecture détaillée du futur système de retraite. Celui-ci fera l’objet d’un projet de loi, présenté au conseil des ministres du 22 janvier et examiné au Parlement à partir de la fin février. Les syndicats, dont la CFDT, sont vent debout après les annonces du Premier ministre.
Ce système par répartition en points s’appliquera à tous les Français sans exception et impliquera la disparition des régimes spéciaux », a martelé Edouard Philippe. Conformément aux recommandations formulées à l’été par le haut-commissaire aux retraites, Jean-Paul Delevoye, ce système sera fondé sur un taux de cotisation unique pour toutes les rémunérations inférieures à 120 000 € par an et où chaque heure travaillée ouvrira des droits. Au-delà de ce plafond, « une cotisation sera instituée pour financer les dispositifs de solidarité », a précisé le Premier ministre.
 
Génération née en 1975
 Si ce nouveau système sera applicable dès 2022 pour la génération née en 2004, ceux déjà présents sur le marché du travail n’entreront en 2025 dans le nouveau système qu’à partir de la génération née, non plus en 1963 mais en 1975. « Ces actifs auront la garantie de voir leurs droits acquis à l’entrée en vigueur de la réforme, calculés selon les anciennes règles et indexés sur les salaires », a précisé Edouard Philippe. Les générations nées avant cette date ne seront pas concernées par la réforme.
 
Age d'équilibre à 64 ans
 Pour « inciter les Français à travailler plus longtemps », le Premier ministre a également confirmé l’instauration d’un âge d’équilibre, assorti d’un bonus/malus à 64 ans d’ici à 2027. Toutefois, il appartiendra aux partenaires sociaux qui participeront à la nouvelle gouvernance du système installée dés 2021 et investie de ses principaux leviers de pilotage, de proposer « d’ici à 2022, une trajectoire pour atteindre cet âge d’équilibre à cet horizon », a précisé le chef du gouvernement. A défaut d’y parvenir, « la loi cadre aura prévu les mécanismes pour y parvenir », a-t-il ajouté.
 
Pour satisfaire la CFDT, le Premier ministre a toutefois précisé que « les personnels éligibles à une carrière longue pourront continuer de partir deux ans plus tôt que les autres ». Et des aménagements sont également prévus en matière de pénibilité : outre l’extension du compte de prévention de la pénibilité aux fonctions publiques, les seuils de travail de nuit seront adaptés de façon à permettre notamment « aux infirmières et aux aides soignantes de partir deux plus tôt »,a-t-il précisé. Et ces droits à pénibilité seront déplafonnés pour leur permettre de financer des formations ou des temps partiels de fin de carrière sans perte de revenu. Au total, « près d’un quart de ces catégories pourraient ainsi bénéficier d’une cessation anticipée d’activité », sachant que, vu leur démographie, les deux tiers ne seront de toute façon pas concernés par le nouveau système.
 
Avancées sociales
 Plusieurs avancées sociales ont été confirmées par Edouard Philippe. Le système garantira ainsi un minima de pension de 1 000 € net pour toute carrière complète au Smic, indexé sur celui-ci. Au-delà de la bonification de pension de 5 % accordée par défaut aux mères dés le premier enfant, le premier ministre a fait un geste en direction des familles nombreuses pour remplacer la majoration de pension de 10 % existante : 2 % de bonification supplémentaire serait accordée aux parents de trois enfants et plus tandis que le maintien de l’AVPF sera maintenu jusqu’aux six ans de l’enfant pour les mères s’arrêtant de travailler, à compter du troisième enfant. En matière de réversion, 70 % des droits du couple seraient garantis aux conjoints survivants.
 Enfin, le premier ministre a également précisé les « chemins de convergence » propres à certaines professions. La réforme de l’assiette de cotisation en contrepartie d’une baisse de CSG proposée aux indépendants sera mise en place au 1er janvier 2022, la hausse progressive de cotisation ayant vocation à s’étaler sur un horizon de 15 ans. D’ici à l’été 2020, des discussions s’engageront au ministère de l’Education nationale en vue de reconstruire les carrières, les rémunérations et le temps de travail des enseignants, avec l’ambition de voir les premières revalorisations intervenir dés 2021. Il en sera de même pour les chercheurs sous l’égide de la ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal. Enfin, concernant les régimes spéciaux, les présidents d’entreprises publiques seront invités à « ouvrir le dialogue » avec les organisations syndicales, s’est contenté d’indiquer le Premier ministre, soucieux de « voir la grève s’arrêter ».
 
La « ligne rouge est franchie », selon Laurent Berger (CFDT)
 Des mesures qui n’ont pas calmé la fonde syndicale. Bien au contraire puisque Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, syndicat soutenant un système universel à points, a estimé que la « ligne rouge est franchie », faisant référence à l’âge d’équilibre à 64 ans. « Il y avait une ligne rouge dans cette réforme, c'était le fait de ne pas mélanger la nécessité d'une réforme systémique (...) et la réforme paramétrique qui demanderait aux travailleurs de travailler plus longtemps, cette ligne rouge est franchie », a-t-il dit à l’AFP dans les couloirs du Conseil économique, social et environnemental (Cese).
 Le discours d'Edouard Philippe « ne peut que confirmer la nécessité de renforcer la mobilisation », a, de son côté, réagi FO qui appelle « l'ensemble des salariés du privé et du public à s'y associer ». Pour Laurent Brun, le secrétaire général de la CGT-Cheminots, premier syndicat de la SNCF, il s’agit de « renforcer la grève ». Le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, a, quant à lui, salué « un bon équilibre entre une réforme qui est redistributive » et le fait qu'« il faut, quand c'est possible, qu'on travaille plus longtemps ».
 
Valérie Devillechabrolle avec J-F. Rio
Source : Actualités du droit