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Les obligations complexes dans les schémas patrimoniaux

Civil - Personnes et famille/patrimoine
12/09/2016
Rédigé sous la direction de Louise PROUST, juriste fiscaliste ingénieur patrimonial - Sycomore Family Office
En partenariat avec le Master 2 Droit du patrimoine professionnel (223), Université Paris-Dauphine

Parallèlement aux obligations ordinaires qui confèrent au porteur le droit aux intérêts et au remboursement du capital à terme, coexistent les obligations composées. Fruits de la pratique, elles peuvent permettre un accès conditionné au capital par remboursement, échange ou conversion, sous conditions. Souvent pertinentes d’un point de vue financier, ces obligations ne sont pas toujours intéressantes fiscalement, eu égard notamment à l’actualisation du BOFiP en date du 4 mars 2016 (BOI-RPPM-PVBMI-30-10-60). En quoi l'efficacité de ces obligations est-elle mise à mal par la mise à jour de la doctrine administrative ? Quelles conséquences pour le contribuable ?
Les obligations simples et composées sont des outils patrimoniaux adéquats sur les plans financiers et juridiques, néanmoins leur usage, dans le cadre notamment d’opérations d’apport, doit être analysé en tenant compte de l’ensemble des répercussions liées à leur mise en place ou acquisition, telles que certaines contraintes non abordées ici et variables selon la forme sociale : procédure d’émission, procédure d’augmentation de capital éventuelle, tenue d’assemblée spécifique, clé de conversion en actions etc. Malgré l’actualisation du BOFiP, certaines situations restent incertaines notamment quant à la possibilité de réinvestissement pour conserver le bénéfice du report en obligations au titre du financement d’une activité, certaines anciennes précisions qui pouvaient permettre de fonctionner par analogie avec l’apport en compte-courant ayant été supprimées. Décryptage.
 

Apport rémunéré en obligations complexes


Comme en dispose l’article 150-0 B ter du Code général des impôts (CGI) instauré par la loi de finances rectificative pour 2012 (L. fin. rect. n° 2012-1510, 29 déc. 2012), un mécanisme de report d’imposition s’applique désormais de plein droit aux plus-values mobilières réalisées par les particuliers directement ou par l’intermédiaire de sociétés translucides (à l’exception des opérations de restructuration), lors de l’apport de titres ou droits mentionnés à l’article 150-0 A du CGI à une société soumise à l’impôt sur les sociétés et contrôlée par l’apporteur. Or, il semblerait possible, via les obligations complexes, de placer une opération d’apport sous le régime du sursis ; mais est-ce pertinent ?
 

Report ou sursis d’imposition


Le report d’imposition a pour conséquences de cristalliser l’opération intercalaire d’apport en figeant la plus-value en report qui doit être déclarée et est régi par des conditions strictes entrainant l’expiration du report. Au contraire, le régime du sursis est plus favorable car il ne fige pas la plus-value initiale et permet la cession immédiate des titres apportés sans contrainte. Il est tentant pour le contribuable apporteur de placer l’opération d’apport sous le régime du sursis, notamment via la rémunération partielle ou totale de l’apport en obligations complexes.

Bercy, dans son actualisation du BOFiP (liée à une consultation publique sur le report d’imposition, close le 24 juillet 2015), précise se réserver la possibilité d’appliquer l’article L. 64 du Livre des procédures fiscales (LPF), sur le fondement du but exclusivement fiscal, lorsque les contribuables se font rémunérer tout ou partie de leur apport de titres en obligations remboursables, convertibles ou échangeables en actions afin de volontairement perdre le contrôle de la société bénéficiaire et entrer dans le champ du sursis d’imposition. En cas d’abus, l’administration pourra ainsi requalifier l’opération sur le terrain de l’abus de droit.

Toute rémunération d’apport en obligations complexes n’a pas vocation à se faire reprendre, mais il convient de veiller à ce qu’elle soit justifiée par des raisons de gestion du risque et de gouvernance pouvant justifier l’organisation du passif et donc la rémunération en obligations complexes.
 

Expiration du report en cas d’opérations sur les obligations reçues en rémunération de l’apport


Le régime fiscal du report prévoit une expiration de celui-ci en cas soit d’opérations à titre onéreux sur les titres reçus en rémunération de l’apport, soit en cas de cession à titre onéreux, rachat, remboursement ou annulation des titres apportés dans les 3 ans suivant l’apport sauf si la société s’engage à réinvestir sous 2 ans au moins 50 % du produit de cession dans un investissement éligible.

Les opérations de conversion, échange ou remboursement en actions des obligations reçues en rémunération ne remettent pas en cause le régime du report d’imposition dans la mesure où il n’y a pas, par ce biais, une appropriation financière. Le remboursement en numéraire entre lui dans le champ des événements provoquant l’expiration du report.

Par ailleurs, il convient de noter que lorsque des obligations complexes sont apportées sous le régime du report, leur transformation en actions n’implique pas l’expiration du report, excepté si un événement affecte les actions obtenues avant le terme des 3 ans. En revanche, un remboursement des obligations apportées en numéraire semble emporter expiration du report. Il n’est nulle part prévu le cas du remboursement en numéraire dont le produit de cession ferait l’objet d’un engagement de réinvestissement, il semblerait que le report puisse se poursuivre.
 

     > Cet article fait partie du dossier spécial Patrimoine 2016


 

Conséquences fiscales connexes


Bien que disposant de nombreux attraits, le recours aux obligations doit être étudié au cas par cas à la lumière de leurs incidences sur le patrimoine privé.
 

S’agissant de l’ISF


Sous couvert d’un régime d’exonération totale ou partielle de leur participation, nombre de dirigeants négligent la question de leur ISF. Prenons l’hypothèse où un chef d’entreprise se verrait octroyer des obligations dans le cadre d’une opération d’apport. Celles-ci n’étant pas assimilables à des participations au capital, même pour les obligations de type « capital en puissance », elles ne peuvent être considérées comme des biens professionnels (Cass. com., 15 févr. 1994, n° 91-22.140). Ainsi un contribuable qui se versait jusqu’alors des revenus et dividendes conséquents pourrait être surpris l’année post-apport dans le cas où il serait obligé de déclarer à l’ISF ses obligations sans avoir pu optimiser un plafonnement, d’autant plus que les obligations lui auront surement servi des coupons, double peine donc.
 

S’agissant des impositions propres aux obligations


L’imposition obligataire peut être un inconvénient non négligeable : les coupons étant imposés pour la personne physique en tant que revenus de capitaux mobiliers à l’impôt sur le revenu sans abattement. La plus-value potentielle réalisée lors de la vente de l’obligation est imposée dans la catégorie des plus-values de valeurs mobilières sans abattement. Dans le cas d’une obligation transformée en actions, la durée de détention s’appliquant à la cession de l’action se calcule uniquement depuis son obtention.
Source : Actualités du droit