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La semaine du droit du travail

Social - Contrat de travail et relations individuelles, Santé, sécurité et temps de travail
08/06/2020
Présentation des dispositifs des arrêts publiés de la Chambre sociale de la Cour de cassation en droit du travail, la semaine du 8 juin 2020.
 
Licenciement pour inaptitude d’un salarié handicapé : l’employeur doit prendre les mesures appropriées pour lui permettre de conserver un emploi
 
« Si le manquement de l'employeur à son obligation de reclassement a pour conséquence de priver de cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé pour inaptitude et impossibilité de reclassement, l'article L. 5213-6 du Code du travail dispose qu'afin de garantir le respect du principe d'égalité de traitement à l'égard des travailleurs handicapés, l'employeur prend, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour leur permettre d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l'exercer ou d'y progresser ou pour qu'une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée, que ces mesures sont prises sous réserve que les charges consécutives à leur mise en œuvre ne soient pas disproportionnées, compte tenu de l'aide prévue à l'article L. 5213-10 qui peut compenser en tout ou partie les dépenses supportées à ce titre par l'employeur, et que le refus de prendre ces mesures peut être constitutif d'une discrimination au sens de l'article L. 1133-3 ; »
« Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que l'employeur, nonobstant l'importance de ses effectifs et le nombre de ses métiers, ne justifiait pas d'études de postes ni de recherche d'aménagements du poste du salarié, et qu'il n'avait pas consulté le Service d'appui au maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés (SAMETH), bien qu'il y ait été invité à deux reprises par le salarié, a pu en déduire qu'il avait refusé de prendre les mesures appropriées pour permettre à ce dernier de conserver un emploi, ce dont il résultait que le licenciement constitutif d'une discrimination à raison d'un handicap était nul ». Cass. soc., 3 juin 2020, n° 18-21.993 FS-P+B
 
Personnel roulant : possibilité de fractionner la coupure d'une durée de 20 minutes prévue pour les salariés dont le temps de travail quotidien est supérieur à 6 heures

« Selon [l'article 10 § 1 du décret n° 2000-118 du 14 février 2000 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport public urbain de voyageurs], qui concerne le régime des coupures des personnels roulants, tout salarié dont le temps de travail quotidien est supérieur à 6 heures bénéficie d'une coupure d'au moins 20 minutes. Cette coupure est constituée, notamment, des temps de repas, des temps de disponibilité, des temps d'attente dans les terminus et des différents temps d'inactivité ou d'interruption déjà prévus ou intégrés dans les différentes organisations du travail d'une durée d'au moins cinq minutes consécutives. Pour des raisons techniques d'exploitation, la période de coupure peut être remplacée par une période équivalente de repos compensateur attribuée au plus tard avant la fin de la journée suivante. »
« Il résulte de ces dispositions que la coupure d'une durée de 20 minutes prévue pour les salariés dont le temps de travail quotidien est supérieur à 6 heures peut être fractionnée en plusieurs périodes d'inactivité dès lors que ces périodes sont d'une durée minimale de 5 minutes. »
« Pour dire que le système mis en œuvre par la société X pour le personnel roulant, de fractionnement de la pause de 20 minutes est contraire à l'article 10 du décret du 14 février 2000, l'arrêt énonce que s'il ressort de l'article 10 de ce décret que la coupure du personnel roulant peut être constituée de l'addition de divers temps (temps de repas, temps de disponibilité, temps d'attente ou autres temps d'inactivité), la formulation de ce texte, marqué par l'emploi du terme « coupure » au singulier ne permet pas que cette coupure puisse être scindée en plusieurs séquences dont la durée cumulée ne peut être inférieure à 20 minutes. »
« En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. » Cass. soc., 3 juin 2020, n° 18-16.810 FS-P+B
 
Présomption simple de travail à temps complet pour le salarié dont le contrat de travail ne comporte pas de délai de prévenance

« Il résulte de l’article L. 212-4-9 du Code du travail, applicable au litige, que dans les cas où la nature de l’activité ne permet pas de fixer avec précision les périodes de travail et la répartition des périodes de travail au sein de ces périodes, la convention ou l’accord collectif étendu détermine les adaptations nécessaires et notamment les conditions dans lesquelles le salarié peut refuser les dates et les horaires de travail qui lui sont proposés. »
« En application de ces dispositions, l’article 3 de l’annexe enquêteurs du 16 décembre 1991 attachée à la convention Syntec, dans sa partie applicable aux chargés d’enquête intermittents à garantie annuelle, intitulé conditions d’accès, prévoit que les périodes de travail n'étant pas définies au contrat, l'employeur devra respecter un délai de prévenance de trois jours ouvrables, que toutefois, l'employeur pourra faire appel aux chargés d'enquêtes intermittents à garantie annuelle pour toutes les enquêtes qui ne permettent pas le respect de ce délai, mais dans ces cas, la non-acceptation du salarié ne pourra pas être considérée comme un refus de travail et sera sans conséquence sur la relation contractuelle entre le salarié et son employeur, et l’article 8 de ce même texte se rapportant à la forme du contrat prévoit que l’engagement du chargé d’enquête précise le délai de prévenance de trois jours ouvrables prévu à l’article 3 de la présente annexe. »
« La cour d’appel, après avoir constaté que le contrat de travail ne comportait pas de mention du délai de prévenance, a exactement retenu que l’omission d’une telle mention créée une présomption simple de travail à temps complet que l’employeur peut renverser en rapportant la preuve que le salarié n’avait pas à se tenir en permanence à sa disposition. » Cass. soc., 3 juin 2020, n° 18-24.945 FS-P+B
 
CCN Entreprises de prévention et de sécurité : le repos hebdomadaire doit être apprécié sur une période de trois mois sans qu'il en résulte l'existence d'un contingent annuel de dimanches de repos

« Attendu, selon [l’article 7.01, alinéa 4, de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985 étendue, relatif au travail les dimanches et les jours fériés], qu'en raison du caractère spécifique de la sécurité et de la continuité de ses obligations, les parties reconnaissent la nécessité d'assurer un service de jour comme de nuit, quels que soient les jours de la semaine, que les repos hebdomadaires des salariés à temps plein sont organisés de façon à laisser deux dimanches de repos par mois, en moyenne sur une période de trois mois, les dimanches étant accolés soit à un samedi, soit à un lundi de repos ; »
« Attendu que pour condamner l’employeur à payer à la salariée des dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par le repos hebdomadaire non pris, l’arrêt retient que la salariée devait bénéficier a minima obligatoirement de vingt-quatre dimanches de repos sur l’année et en moyenne de six week-ends par trimestre, qu’elle produit ses plannings, le récapitulatif de ses repos hebdomadaires et le décompte de ses congés payés sur la période considérée, que contrairement à ce que prétend l’employeur, son décompte modifié établi à partir de ses plannings ne comprend pas les dimanches pendant ses absences, périodes de congés ou arrêts de travail, et il en ressort qu’elle n’a pu prendre cinquante-trois dimanches de repos auxquels elle avait droit, ceci lui ouvrant droit en conséquence à des dommages-intérêts ; »
« Qu’en statuant ainsi, alors qu'en application des dispositions conventionnelles le repos hebdomadaire dont bénéficie le salarié doit être apprécié sur une période de trois mois sans qu'il en résulte l'existence d'un contingent annuel de dimanches de repos, la cour d’appel a violé le texte susvisé ». Cass. soc., 3 juin 2020, n° 18-18.836 FS-P+B
 
L'engagement du salarié par un autre club sportif ne peut être considéré comme la manifestation d'une volonté claire et non équivoque de rompre le contrat de travail

« Mais attendu, d’abord, qu'ayant constaté que l'engagement du salarié par un autre club sportif avait été précédé de la saisine, par l’intéressé, de la juridiction prud'homale en vue de la résiliation du contrat de travail en raison des manquements qu'il imputait à l'employeur, la cour d'appel a fait ressortir que cet engagement ne pouvait être considéré comme la manifestation par le salarié d'une volonté claire et non équivoque de rompre le contrat de travail ; »
« Attendu, ensuite, que sans se déterminer par des motifs inopérants, la cour d’appel qui, prenant en considération les manquements invoqués par le salarié tant à l’appui de la demande de résiliation judiciaire devenue sans objet qu’à l’appui de la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée et analysant cette rupture anticipée à l’initiative du salarié au regard des dispositions de l’article L. 1243-1 du Code du travail, a pu décider, peu important qu’elle l’ait  improprement qualifiée de prise d’acte, qu’elle était justifiée par les manquements de l’employeur dont elle a fait ressortir qu’ils constituaient une faute grave ». Cass. soc., 3 juin 2020, n° 18-13.628 FS-P+B
 
Source : Actualités du droit